Le marché du bijou de seconde main connaît une véritable montée en flèche ces dernières années. Plus qu’une tendance, il fait écho à des valeurs éthiques et durables, de plus en plus fortes chez le consommateur. Rencontre avec Alexis Blez, co-fondateur de 58 Facettes, un acteur phare de ce marché en pleine croissance.
58 Facettes est une place de marché en ligne, fondée en 2020. En trois ans elle a beaucoup évoluée : peux-tu nous la présenter ?
A l’origine, le constat c’était le manque de visibilité des créateurs indépendants.
On a donc proposé une place de marché en ligne pour les maisons indépendantes. Avec une approche responsable de la joaillerie, dans la volonté d’encourager : le made in France, l’or recyclé, le développement durable, et surtout des marques qui limitent leur impact sur la planète. Tout simplement pour éviter d’aller miner du nouvel or, des nouvelles pierres… en réutilisant l’existant.
Forts de ces valeurs, nous avons ajouté sur le site une partie “bijoux de seconde main”. Ca a tellement bien marché que début 2022, on a pivoté à 100% sur la joaillerie de seconde main. Notre volonté pour 58 Facettes, c’est de devenir LA plateforme de référence dans la joaillerie de seconde main.
Le seconde main a t-il réellement le vent en poupe ?
De plus en plus de particuliers veulent du seconde main. Les joailliers eux-mêmes commencent à être sollicités par leurs propres clients. Or, le joaillier lui, il crée des bijoux neufs : il n’a pas forcément les connaissances pour commercialiser des bijoux de seconde main. On a travaillé sur une solution pour lui permettre de proposer ce service à ses clients. On a intégré dans l’équipe une experte du bijou ancien, issue des maisons de ventes aux enchères. On peut donc accompagner les joailliers sur l’expertise des bijoux, la définition du prix, la remise en état, la réparation, et on va même jusqu’à la prise de photos, la gestion du stock et l’envoi des commandes s’ils le souhaitent. 58 Facettes simplifie le seconde main pour toute la profession, car ce n’est pas le coeur de métier des joailliers.
Comment ça fonctionne pour le joaillier ?
En fait, le joaillier a deux possibilités :
- Soit il se lance dans le seconde main, il garde la marchandise chez lui et il utilise simplement 58 Facettes comme canal de distribution online,
- Soit on s’occupe de son stock et là 58 Facettes s’occupe de tout. Expertise, définition du prix, vérification, nettoyage, réparations, shooting photo, mise en ligne, commercialisation…
On a plus de 35 000 bijoux de seconde main sur la plateforme ! On a fait en deux ans une croissance x15 : il y a une vraie demande !
Quel succès ! Quelles sont les ambitions de 58 Facettes pour les années à venir ?
58 Facettes commence à s’étendre en Europe. On se rend compte qu’on a déjà vendu partout à travers le monde, mais on a une véritable volonté de s’implanter en Italie, en Espagne, En Suisse,… Notre ambition, c’est de devenir la plateforme de référence de la joaillerie seconde main dans le monde. On a d’ailleurs clôturé une deuxième levée de fonds en août pour s’étendre en Europe sur les deux prochaines années. Et l’étape d’après, c’est d’aller s’implanter aux Etats-Unis dans deux ans. D’ailleurs, l’investisseur qui est entré est un fabricant de joaillerie BtoB américain. Il fait du neuf, mais il s’intéresse fortement au seconde main. On va donc doubler nos effectifs, pour consolider nos opérations sur les marchés européens. Tout va être piloté depuis la France. D’ici deux ans, quand on commencera à viser les Etats-Unis, on montera une antenne là bas. C’est plus simple, pour des questions de douanes notamment. Il faudra être sur place.
Quel est l’avenir de la joaillerie de seconde main ?
92% des bijoux dans le monde sont oubliés, délaissés au fond d’un tiroir. Cela représente un stock monumental ! Le seconde main représente aujourd’hui 4% seulement du marché du bijou neuf dans le monde. On prévoit une très forte croissance sur ce marché. A titre de comparaison, pour les montres le seconde main représente aujourd’hui 50% du marché du neuf, et il est estimé à 100% dans les années à venir. Pour le marché de l’automobile, le marché de l’occasion représente trois à quatre fois le marché du neuf. Et je ne parle même pas de l’immobilier !
La joaillerie, c’est LE bien durable par excellence. On peut réparer à l’infini. Les diamants ont un milliard d’années ! Il n’est pas normal que ce marché soit aussi en retard.
La demande croissante en joaillerie de seconde main est-elle liée à un changement de valeurs du consommateur ?
Oui, avant, acheter un bijou de seconde main, c’était presque honteux. Aujourd’hui il y a une réelle prise de conscience. En évitant de miner du nouvel or, de nouvelles pierres, c’est la meilleure façon de limiter notre impact sur la planète. C’est un vrai changement d’état d’esprit. Par exemple, les bagues de fiançailles sont de plus en plus demandées. Par engagement responsable, durable. Aujourd’hui, quand on porte une bague de seconde main, on en est fier !
Quelles sont les tendances aujourd’hui dans la joaillerie de seconde main ?
Le client recherche beaucoup de bijoux signés : Cartier, Van Cleef & Arpels, Hermès… Il y a également une forte tendance Art Déco, idéalement avec des bijoux d’époque. Les années 40 avec la bague Tank n’est pas en reste. Côté bague de fiançailles, la classique marguerite marche très bien. On note aussi le grand retour des broches. Surtout les broches animalières, un peu décalées, fun. Si c’est signé c’est encore mieux.
Qui est derrière 58 Facettes ?
Nous sommes deux cofondateurs, Eric et moi-même : pas du tout issus du monde de la joaillerie. On se connaissait depuis longtemps. Au départ, Eric était spécialisé dans le digital, il maîtrisait le e-commerce et les places de marché en ligne. Moi, j’ai travaillé 8 ans chez J.P. Morgan, une banque d’investissements. Mon univers, c’était les marchés financiers. L’idée a germé lorsque je cherchais une bague de fiançailles. Après avoir lancé 58 Facettes, on a vite été rejoint par Alexandra qui elle est issue du monde de la haute joaillerie et a fait ses classes chez Chanel, Cartier… On a une équipe de deux gemmologues. Et une experte en bijoux anciens issue de maisons de ventes aux enchères, pour nous accompagner sur le seconde main. En l’espace de trois ans, c’est une équipe de quinze personnes qui travaille aujourd’hui pour 58 Facettes.